lundi 22 septembre 2008

Mathématiques "appliquées"

Traditionnellement, l'enseignement des mathématiques à l'université - que ce soit en France ou à l'étranger - adopte une approche fort différente selon qu'il s'agisse de mathématiques fondamentales ou appliquées. C'est à propos de ces dernières que je voudrais faire quelques remarques.

Par mathématiques appliquées, on entend généralement un champ des mathématiques visant à une application pratique - par exemple, les probabilités en finance, la statistique dans beaucoup de domaines ou l'optimisation en recherche opérationnelle. Au delà de cette différence de portée - en partie discutable, au demeurant -, on observe une différence fondamentale dans l'enseignement : ici, les mathématiques sont, non seulement perçues, mais enseignées essentiellement comme des outils. On n'a que faire des preuves, pourvu que l'on sache que les théorèmes sont vrais et justifient des méthodes que l'on peut employer (quasi) systématiquement.

Or, c'est là, de mon point de vue, essentiellement une erreur d'approche dans l'enseignement.

Tout d'abord, les concepts utilisés en mathématiques, même si abstraits, ont une signification autre que purement formelle : il n'y a qu'à penser à ce que signifient une fonction continue, un ouvert, un connexe, une espérance, un gradient, la longueur d'un arc paramétré, etc. Si on peut, d'un point de vue formel, dériver des définitions associées à ces concepts une foule de propriétés, on ne gagne de cette matière aucune compréhension des concepts, absolument nécessaire pour savoir pourquoi on fait ce que l'on fait. Or, une telle compréhension s'acquiert par la réflexion sur les concepts, sur les preuves des théorèmes, sur des exemples divers et, finalement, par la pratique d'exercices. Ces derniers ne sont utiles que pour développer des "encrages mentaux", nécessaires pour se souvenir des concepts : on peut parfaitement lire un cours de mathématiques sur un sujet donné et le comprendre, mais, sans faire d'exercices, on l'oubliera bien vite.

Un autre trait remarquable dans l'enseignement des mathématiques appliquées est l'absence de rigueur. Il n'y a là rien de surprenant dans la mesure où la possibilité de formuler rigoureusement un raisonnement n'est que la conséquence de la compréhension de ce raisonnement. Et donc, l'incapacité de faire preuve de rigueur s'accompagne logiquement de l'incapacité de pouvoir détecter les limites (théoriques) des méthodes employées - tout comme l'absence de compréhension empéche d'envisager d'autres approches d'un problème donné lorsque les méthodes apprises s'avèrent infructueuses. Néanmoins, si, dans l'enseignement, il est tout à fait inopportun de ne pas faire preuve d'une rigueur exemplaire, dans la pratique, on peut s'autoriser à être peu rigoureux par commodité de langage ou par économie des ressources (temps, énergie) tant que l'on sait que l'on peut l'être parfaitement. Bien entendu, si l'exigence de rigueur est fondée, il ne faut pas que l'enseignement en vienne à la fétichiser, car, bien souvent, l'insistance exclusive sur la rigueur ne fait percevoir que l'aspect formel du raisonnement - et empêche là encore la compréhension des concepts.

Laissez-moi donner un exemple pour illustrer tout ce qui précède. Voici un extrait (en anglais) d'un cours de probabilités que j'ai eu récemment :

h(y) is increasing [resp. decreasing] over (a,b) iff h(x) <= h(y) [resp. h(x) >= h(y)] where x <= y in (a,b) (if h'(y) > 0 [resp. h'(y) < 0] in (a,b), then h(y) is increasing [resp. decreasing].)

If h(y) is increasing or decreasing on (a,b) then it has an inverse, denoted h^{-1}(u), gotten by writing y as a function of u.
u = h(y), y = h^{-1}(u)

Avec un texte pareil, comment voulez-vous comprendre :
- la différence entre une valeur et une fonction (h et h(y)) ;
- que la dérivée d'une fonction n'existe pas toujours ;
- ce que c'est qu'une fonction bijective (entre quels ensembles ?) ;
- la condition suffisante en question pour qu'une fonction soit bijective entre deux ensembles (continue et strictement monotone sur un intervalle) ?

Alors, oui, on pourra faire les calculs, appliquer les sacro-saintes méthodes et formules, mais on n'aura rien compris. Je vois difficilement comment s'étonner par la suite que les qualifications des étudiants soient douteuses...

lundi 15 septembre 2008

Bienvenue !

Mars 2006 - Septembre 2008 : durant ces deux ans et demi, je n'ai pas écrit un seul billet sur quelque blog que ce soit. Je vois deux raisons à cette longue période d'inactivité : certaines contraintes auxquelles j'étais soumis - au premier rang desquelles, un manque de temps - et la lassitude. Le manque d'inspiration et la paresse contribuaient à me faire ressentir comme une obligation pesante la rédaction et la publication régulière de billets. Qu'importe.

Par conséquent, bien que je recommence un blog aujourd'hui, j'ignore à quelle fréquence il sera alimenté. Ce que je sais, en revanche, c'est que je ne m'impose pas un thème spécifique, comme ce fut le cas par le passé, sans souhaiter non plus en faire un carnet intime - ça n'est du tout pas mon genre.

Je voudrais conclure avec une remarque (peut-être inutile pour toi, lecteur) à propos du titre de ce blog - Hevel Havalim, hakol hevel (Qôhèlet, 1:2) - dont la traduction en français est traditionnellement la suivante : "Vanité des vanités, tout est vanité" (Écclésiaste, 1:2) . Contrairement à l'usage moderne du terme - employé comme synonyme d' "orgueil" -, "vanité" est ici à comprendre dans son sens premier : "ce qui est vain, futile". Je vous conseille d'ailleurs d'écouter cette conférence de Jacques Roubaud sur le sujet et de lire le texte de l'Écclésiaste. Si j'ai choisi cette citation, c'est qu'elle reflète assez fidèlement, je crois, mon état d'esprit, tout du moins dans mes instants de mélancolie.

Et pour finir par une note plus joyeuse, je vous souhaite, comme il se doit, la bienvenue en ces lieux !